Comme une lettre à la poste !

par

Matthieu Pourquet

publié le

12 octobre 2016

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Ce qui est bien avec les nouvelles saisons, c’est que plus ça change, plus c’est toujours la même chose. Bien sûr, la trêve estivale a, comme chaque année, apporté son lot de nouveautés : certains sont partis, d’autres sont arrivés, du sang neuf a été injecté dans le club, mercato oblige, et Cédric s’est laissé pousser les cheveux et exige à présent de se faire appeler Claude.

Mais pour le reste, jugez plutôt : comme d’habitude, mon équipe était prête une semaine avant le début des hostilités, comme d’habitude, je devais recevoir des renforts de N4 (au moins trois !), et comme d’habitude, l’avant-veille du match, on me retirait deux joueurs pour compléter l’étage du dessus…

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Comme d’habitude, Gégé notre bienaimé président élu à vie qui le mercredi était sûr de jouer ne l’était plus le samedi, occupé qu’il était à recevoir ce weekend-ci tous les candidats de la future primaire de droite venus le supplier tour à tour de leur révéler son fabuleux secret qui lui permet chaque année d’être réélu avec des scores à rendre jaloux les chefs d’état du Kazakhstan et de Djibouti réunis, en attendant, évidemment, de faire de même avec leurs homologues de gauche.

Comme d’habitude, donc, le samedi soir, j’écoutais M. Pokora singeant Claude François pour faire plus jeune en envoyant frénétiquement des textos à la terre entière pour dégoter au pied levé un remplaçant, au lieu de réviser mon Gambit Dame (ce qui explique d’ailleurs que le montant de mes factures téléphoniques progresse beaucoup plus vite que mon niveau, mais passons)… Suppléant que je dénichais vers 23 heures, m’arrachant un ouf de soulagement et une belle épine du pied (merci encore Christophe T).

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Finalement, et malgré ses replâtrages successifs, elle avait plutôt fière allure, mon équipe d’airain de R1. Au 1er, Arnaud, un p’tit nouveau maousse costaud. Au 2nd, le toni-truand Florian, un porte-flingue qu’on ne présente plus. Au 3, Louise, pour la nécessaire touche de douceur féminine dans ce monde de brutes. Puis, Christophe T, mon remplaçant de luxe, placé stratégiquement au 4ème. Enfin, votre serviteur assis non moins stratégiquement au 5ème de manière à surveiller le petit dernier, Chédy, dit la Petite Sirène pour son style romantique qui n’est pas sans rappeler celui du grand Andersen.

Et il fallait bien cette équipe de choc pour affronter les postiers messins qui quoique fort sympathiques avaient eu l’outrecuidance de nous battre à la régulière l’an dernier sur nos terres. Cette fois-ci, il n’était plus question de faire des politesses, d’autant plus que, sur le papier, le match s’annonçait déséquilibré, et pour une fois en notre faveur : nous étions favoris sur tous les échiquiers à l’exception du 3ème.

Et puisqu’on parle d’exception, je fus, pour une fois également, le premier à terminer. Je pris très vite un gros avantage stratégique, malgré une imprécision dont mon adversaire ne profita pas. Après m’avoir abandonné la colonne d, puis un pion et une qualité, et devant la menace d’un mat imparable, le postier messin abandonna : victoire sans un pli.

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Etait-ce la sérénité que dégageait chacun de mes coéquipiers, ou la banane que Chédy avait apportée pour son goûter, je ne saurais le démêler, mais quoi qu’il en soit je décidai qu’il était temps de prendre un peu de recul et de quitter le théâtre des hostilités. Comme on me l’a appris en formation, il est en effet bon de laisser les élèves – pardon les apprenants – face à des situations problèmes, c’est très efficace pour développer le conflit sociocognitif et la métacognition, sans parler de l’autosocioconstruction des savoirs. Et puis surtout, pendant que l’élève se dépatouille avec ses problèmes, ça permet au prof d’aller boire un coup.

Ce long détour pour vous avouer que je suis dans l’incapacité de vous narrer avec précision le déroulement exact du fil de la rencontre. Toujours est-il qu’on m’annonça dans l’oreillette la victoire de Chédy grâce à un sacrifice de fou de fou. Puis celle de Christophe, sa finale probablement nulle de cavaliers se transformant en gain après que son adversaire eut gaffé un pion. L’attaque de Louise ayant malheureusement fait pschitt, les messins réduisaient le score. Ne restaient plus qu’Arnaud et Florian : un résultat nul nous suffisait pour remporter la victoire.

L’adversaire de Florian lui avait fait le coup de l’orang-outan. Mais ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend à faire des limaces, et Floflo-le-héros avait répondu sans frémir «b6»!? à «b4» !?. Exploitant judicieusement la double menace d’un clouage mortel sur le monarque blanc et d’un pion passé se rapprochant inexorablement de la Terre Promise, Florian, qui avait déjà une qualité d’avance, empocha la pièce et la partie.

Le match était déjà plié et Arnaud ne se battait plus que pour l’honneur et les poinzélos. En zeitnot réciproque avant le 40ème, les deux joueurs firent voltiger les pièces et lorsque la poussière retomba, les kibitzeurs purent constater que la dame du Vandopérien était indemne alors que celle du Messin avait succombé, il est vrai au prix d’une tour et d’une pièce légère. La finale était sans doute gagnante pour le joueur local, mais la partie menaçait de s’éterniser. Fort heureusement, le néo Vandop trouva les ressources pour clore les débats assez rapidement.

Résultat des courses : une belle victoire 5 à 1 qui place la nouvelle saison, comme on dit dans les maisons de retraite, sous les meilleurs hospices !

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