Les Rouges et les Noirs

par

Matthieu Pourquet

publié le

11 janvier 2017

Ce qui est plaisant quand on joue contre les Red Devils de Seichamps (photo non contractuelle : en général, ils ressemblent rarement à la créature de l’image), outre qu’ils sont sympas-fair play-tout ça, c’est qu’on les repère de loin même par temps de brouillard grâce à leurs rouges chasubles, et vu les conditions climatiques du week-end, ça m’arrangeait plutôt, d’autant plus que Bison Futé avait imposé un itinéraire bis pour se rendre au parc du Charmois. Du coup, on était certains de ne pas se tromper d’adversaires, surtout que le château accueillait pas moins de 4 rencontres, le risque d’erreur était non négligeable.

Et puis, en terme de préparation, on gagne un temps fou : il suffit de revoir LExorciste une fois ou deux, de prévoir un crucifix, deux ou trois litres d’eau bénite et quelques gousses d’ail, et le tour est joué. Enfin, les Seichanais poussent la courtoisie jusqu’à venir à l’heure et en infériorité théorique à chaque échiquier, gage a priori d’un succès facile et sans transpirer, ce qui est appréciable lorsqu’on est une vingtaine de pousseurs de bois – mâles en général – confinés plusieurs heures dans la même pièce. Toujours est-il qu’il ne fallait pas prendre nos adversaires à la légère et vendre la peau rouge de l’ours seichanais avant de l’avoir maté. Car on ne me la fait pas à moi, je connais mes classiques, l’histoire du Petit Poucet qui dévore l’ogre Goliath avec le petit pot de beurre de la mère-grand, tout ça tout ça, il y en a plein les journaux, et même des sérieux, demandez à Vandoeuvre III.

Ce qui ne m’arrangeait pas, en revanche, c’était pour l’écriture de ce con-te rendu que mon lectorat – c’est-à-dire ma belle-mère par charité chrétienne, ma femme parce que je la menace, et Alain B. pour vérifier si je parle de lui – attend avec impatience après chaque journée d’interclubs : j’ai déjà fait toutes les vannes possibles et imaginables sur les diables rouges dans les opus précédents, et je n’ai plus de pitreries en stock, pas même des moisies, ni des éculées (non, Alain, ce n’est pas un gros mot). Et puis, pour que mon petit laïus plaise, il faut de l’action, du suspense, des rebondissements, des retournements de situation, des larmes, du sang par terre, de la chair collée au mur… et aussi des gaffes. Très vendeur, les gaffes. J’en ai même fait mon fond de commerce. J’ai d’ailleurs un aficionado qui vient en chair et en os – surtout en chair d’ailleurs – regarder mes parties comme on va au cirque– il se reconnaîtra s’il lit ces lignes – et admirer la bourde du clown…

C’est pourquoi je préfère te prévenir tout de suite, lecteur mon ami : tu vas être déçu. Car si tu veux des coups de théâtre et de l’héroïsme, tu t’es trompé de chronique. Il fallait suivre le match d’à côté, où les cadors de N4, menés 3-0 par les chevaux légers du bon roi Stanislas bien renforcés toutefois pour l’occasion, entamèrent une remontée fantastique qui se conclut par un épique match nul 3 à 3… un suspense insoutenable, puisque tout se jouait dans la dernière partie, et qu’au moment de mon départ, il semblait bien qu’Alain R avait gaffé… (et match nul pourtant, va comprendre, Charles) ! En te racontant le match des Rouges contre les Noirs, lecteur mon ami, je vais avoir autant de mal à te faire vibrer qu’une chanson de Jeanne Mas, c’est te dire… Et tout cela par la faute de mes coéquipiers, qui sur ce coup là, ne m’ont pas beaucoup aidé…

A commencer par Christophe T, mon remplaçant de luxe, qui, ayant bien fait ses devoirs, put placer sa petite prépa maison exposée vendredi soir au club contre le londonien système de l’ami Nico. Devant la violence de l’attaque, le maillot du Seichanais perdit brusquement ses belles couleurs (Cf photo / NDA : Alain, je prends la moitié de son gage, et pas que les miettes je te prie), et son porteur fut le premier à déposer les armes.

Deuxième saboteur de con-te rendu : Gérard. Son adversaire avait semble-t-il potassé Mon premier répertoire d’ouvertures, tome I, d’un entraîneur bien connu dans la région, mais il en fallait davantage pour destabiliser notre président bienaimé. Victoire nette et sans bavure, et direction buvette pour l’analyse.

Buvette où je n’allais pas tarder à les rejoindre… Après une ouverture prudente de part et d’autre et alors que je SAIS que dans ce genre de position on joue pour la poussée e4, je la retarde incompréhensiblement pour finalement ne jamais la jouer et mettre un gros cavalier en e5 que j’estime indélogeable, et que pourtant Ludo, mon adversaire du jour, s’empressa d’échanger, ce que je n’espérais pas même dans mes rêves les plus fous. Parce qu’en reprenant du pion f, je délogeai le gardien du roque et accessoirement du pion d5, que je m’empressai d’empocher, suivi bientôt du pion h7. Mes fantassins centraux, bientôt libres de toute entrave et soutenus par ma monstrueuse paire de fous, emportaient tout sur leur passage.

Et quand, une boisson mousseuse plus tard, je revins dans l’arène, ce fut pour constater que le match était terminé : Arnaud, Johann et Jean T avaient tous les trois remporté leur partie sans trembler et sans que je susse (Non, Alain, ce n’est pas un gros mot) le comment du pourquoi. (NDA : les gars, vous m’avez bien niqué mon con te rendu, mais vous avez fait le job, congrats !) Pour ne pas accabler nos sympathiques adversaires qui se sont battus comme de beaux diables et ont fait honneur à leurs couleurs, je tairai ici pudiquement le score et j’invite le lecteur curieux à le consulter sur ce site généralement bien informé… où il ne figure pas non plus.

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